Loi de santé : texte adopté, focus sur des mesures clés
Le 17 décembre dernier, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi de modernisation de notre système de santé. Le texte est donc à présent définitif, sous réserve des dispositions qui pourraient éventuellement être censurées par le Conseil constitutionnel d’ici au 19 janvier.
La loi est adoptée, après plus d’un an de débats au Parlement et d’échanges avec les professionnels de santé. Ce texte a vocation à réorganiser le système de santé, en établissant la prévention comme son socle, en garantissant aux patients l’accès aux soins et en leur créant de nouveaux droits. De nombreuses mesures ont fait l’objet d’âpres discussions (tiers payant, etc.). D’autres étaient plus consensuelles. Retour sur quelques-unes des dispositions visant les pharmaciens.
Gestion des ruptures d’approvisionnement de médicaments (article 151)
Sujet de préoccupation croissante, les ruptures d’approvisionnement ont bénéficié d’une attention particulière dans les débats. L’article 151 définit les « médicaments d’intérêt thérapeutique majeur » (MITM) comme « les médicaments ou classes pour lesquels une interruption de traitement est susceptible de mettre en jeu le pronostic vital [ … ] ou représente une perte de chance importante pour les patients [ … ] » . En cas de rupture ou de risque de rupture d’approvisionnement portant sur des MITM, le directeur de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) publiera sur le site de l’Agence la liste des produits concernés, précisant, « le cas échéant, si ces médicaments [pourront] être vendus au public au détail par les pharmacies à usage intérieur [PUI] » et si les officines pourront dispenser des médicaments disposant d’une autorisation d’importation délivrée par l’ANSM.
L’article 151 impose par ailleurs aux industriels de « prendre toute mesure utile pour prévenir et pallier toute difficulté d’approvisionnement et permettre, en cas de rupture de stock, la mise à disposition des informations dont ils disposent aux pharmaciens » d’officine, de PUI et de la distribution. Pour les MITM les plus sensibles ainsi que pour certains vaccins, les industriels devront « élaborer et mettre en œuvre des plans de gestion des pénuries » .
Les distributeurs en gros ne pourront quant à eux pas vendre en dehors du territoire national des MITM, y compris de manière indirecte en les vendant à des distributeurs en gros à l’exportation. Les titulaires d’autorisations de mise sur le marché devront approvisionner « de manière appropriée et continue » les grossistes-répartiteurs « afin de leur permettre de remplir leurs obligations de service public ».
Élargissement de la pratique des TROD à l’officine (article 39)
La possibilité de réalisation de tests rapides d’orientation diagnostique pour le dépistage (TROD) pour les maladies infectieuses transmissibles sera élargie. Les conditions seront définies ultérieurement par arrêté.
De plus, à l’image des autotests VIH, les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro (DMDIV), destinés à réaliser des autotests de détection de maladies infectieuses transmissibles, seront également disponibles en dehors des officines.
Nouvelle définition et refonte de l’obligation de DPC (article 114)
Les modalités de l’obligation du dispositif de développement professionnel continu (DPC) ont été revues. Il « a pour objectifs le maintien et l’actualisation des connaissances et des compétences ainsi que l’amélioration des pratiques » . Les professionnels devront désormais justifier de leur engagement dans une démarche de DPC « sur une période de trois ans » et non plus annuellement. Le texte prévoit également que : « Pour chaque profession ou spécialité, les conseils nationaux professionnels proposent un parcours pluriannuel de DPC qui permet à chaque professionnel de satisfaire à son obligation. » Un arrêté définira les orientations annuelles prioritaire de DPC* (voir l'article dédié dans Textes et publications récents ).
Renforcement de la transparence des liens d’intérêt
• Loi anti-cadeaux (article 180)
Le dispositif « anti-cadeaux », initié en 1993 et renforcé en 2012**, interdit aux professionnels de santé de recevoir des avantages en nature ou en espèces sous quelque forme que ce soit de la part des entreprises. Avec la loi de santé, le Gouvernement est habilité à adopter par voie d’ordonnance, dans un délai d’un an, des mesures visant à renforcer le dispositif de la loi anti-cadeaux, notamment à modifier le système d’autorisation des conventions pour un contrôle plus efficient par les Ordres.
Le Gouvernement souhaite à la fois étendre « le champ des entreprises concernées par l’interdiction d’offrir des avantages aux professionnels de santé, […] à l’ensemble des personnes fabriquant ou commercialisant des produits de santé à finalité sanitaire ou des prestations de santé », qu’ils soient remboursés ou non, et « étendre le champ des personnes concernées par l’interdiction de recevoir des avantages à l’ensemble des professions de santé, des étudiants se destinant à ces professions, ainsi qu’aux associations qui les regroupent » .
• « Sunshine act » à la française (article 177)
Inspiré du « Sunshine act » américain, ce dispositif impose de rendre publics tous les liens entretenus entre les deux parties. Adopté en 2011, il rend obligatoire la publication, notamment, des conventions faisant exception à la loi anti-cadeaux et des montants correspondants (frais d’hospitalité, de transport, de congrès). La loi de modernisation du système de santé vise à améliorer la transparence de la gestion des produits de santé par les agences sanitaires, à davantage associer les usagers et à renforcer la lutte contre les conflits d’intérêt. Elle institue notamment un déontologue dans chaque agence sanitaire et autorise la publication des montants perçus par les professionnels de santé dans le cadre des conventions signées avec les laboratoires pharmaceutiques. Elle autorise les tiers à réutiliser les données publiées sur le site Internet Transparence.sante.gouv.fr. Enfin, elle impose la publication par les fabricants du détail des contrats passés avec des professionnels de santé.
Vente à distance de médicaments (article 145)
La loi de santé rétablit la base législative habilitant le ministre chargé de la Santé à adopter par arrêté « les règles techniques, applicables aux sites internet de commerce électronique de médicaments, relatives à la protection des données de santé, aux fonctionnalités des sites et aux modalités de présentation des médicaments ».
Examen du texte par le Conseil constitutionnel***
Les députés et les sénateurs du groupe Les Républicains ont saisi le 21 décembre 2015 le Conseil constitutionnel sur le projet de loi de modernisation de notre système de santé.
Dans leur recours, les sénateurs pointent notamment le caractère inconstitutionnel des groupements hospitaliers de territoire « au regard du principe d’égalité, de la liberté d’entreprendre comme de la répartition des compétences entre le pouvoir législatif et le pouvoir réglementaire » . Ils contestent les dispositions de la loi sur les missions du service public hospitalier, dans la mesure où la rédaction de ces dispositions « entrave à la liberté d’entreprendre des établissements de santé privés » . Ils s’opposent au texte ouvrant « l’action de groupe aux faits générateurs de responsabilité antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi » – prévue pour le 1er juillet 2016 – au motif que cette disposition risque « d’entraîner une situation d’insécurité juridique majeure affectant l’ensemble des acteurs du système de santé » et le secteur des assurances.
Le Conseil constitutionnel doit se prononcer sur ce recours d’ici au 19 janvier 2016. S’il établit que certains articles sont inconstitutionnels, la loi sera promulguée « sans » les dispositions invalidées.
* Cf. l’arrêté du 8 décembre 2015 fixant la liste des orientations nationales du DPC des professionnels de santé pour les années 2016 à 2018.
** Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
*** L’article 61 de la Constitution du 4 octobre 1958 autorise 60 députés ou 60 sénateurs à saisir le Conseil constitutionnel afin qu’il statue sur la constitutionnalité d’une loi avant sa promulgation. Ce dernier doit statuer dans un délai d’un mois.
Erratum pour le journal de janvier – n° 54
Dans la version papier du journal de janvier, dans l’article sur la loi de santé (p. 4), une erreur est survenue. Il faut lire « Ouverture du capital des sociétés d’exercice libéral aux pharmaciens adjoints, dans la limite de 10 % tout en restant salariés » et non pas 1 %. Cette erreur a été corrigée dans la version électronique du journal mise en ligne sur le site de l’Ordre.
En savoir plus
• Loi de modernisation de notre système de santé sur le site de l’Assemblée nationale
• Texte de la saisine des parlementaires Les Républicains
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Au 12/01/2016