Les croyances existent dans toutes les cultures et peuvent s’ancrer aussi dans le rationnel ou les situations personnelles… Sylvie Fainzang cite l’exemple d’une femme persuadée que sa chimiothérapie ne sera pas opérante sur son cancer du poumon du fait de ses relations houleuses avec sa belle-mère, ou d’une adolescente qui refuse de prendre ses antibiotiques, son mal d’oreille venant des gifles de son père…

Parfois, la culture attachée à une religion entre en jeu, « y compris quand les gens ont pris leurs distances avec la croyance religieuse » , explique-t-elle. Les réticences aux psychotropes s’expliquent différemment chez les catholiques (peur d’être assommé), chez les musulmans (peur d’altérer son comportement), chez les protestants (crainte de devenir dépendant) et dans la culture juive (crainte de perdre la mémoire).

Dans certaines populations d’Afrique de l’Ouest, on associera une meilleure efficacité à un traitement traditionnel pris par 3 fois pour les hommes et par 4 fois chez les femmes, mais les produits issus de la médecine « des Blancs » seront jugés efficaces par nature, d’où la tendance à en augmenter les doses…

Il n’est pas du devoir du pharmacien de contredire les croyances du patient. Son rôle est d’apporter toujours plus d’informations pour améliorer l’observance. À noter qu’une parole peut être plus puissante que la parole médicale : celle des pairs, ceux ayant eu la même maladie, a relevé Sylvie Fainzang.

* Directrice de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et membre du centre de recherche médecine, sciences, santé, santé mentale, société (Cermes3), Sylvie Fainzang est la responsable scientifique du réseau international d’anthropologues médicaux Medical Anthropology at Home (MAAH), et rédactrice en chef de la revue internationale francophone Anthropologie & Santé.