Dossier Pharmaceutique

Témoignages de deux praticiens hospitaliers enthousiastes : vers la généralisation de l’expérimentation ?

Témoignages de deux praticiens hospitaliers enthousiastes

L’expérimentation jusqu’ici positive de l’accès au Dossier Pharmaceutique (DP) par les praticiens hospitaliers a été prolongée jusqu’à fin 2015, et un amendement à la loi de santé pourrait la généraliser. C’est dans ce contexte qu’interviennent les premières études d’impact du DP en anesthésie, aux urgences et en gériatrie. Interview croisée des docteurs Thierry Morvan et Albert Trinh-Duc.

 

Évaluer l’apport du DP en établissement de santé : telle est l’ambition des études en cours de réalisation sur son expérimentation. Deux exemples à citer : celle menée par l’université de Nice-Sophia-Antipolis, le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CRÉDOC) et les praticiens de 15 établissements*, dont la polyclinique Côte basque Sud où exerce Thierry Morvan, anesthésiste-réanimateur ; et l’étude d’impact du DP menée auprès d’un millier de patients aux urgences du centre hospitalier d’Agen, dont les résultats sont en attente de publication par le Dr Albert Trinh-Duc**. Les deux praticiens témoignent.

 

1. Vous faites partie des médecins expérimentateurs du DP à l’hôpital. Parlez-nous de votre pratique en lien avec cette innovation.

Dr Morvan : Nous utilisons le DP lors des consultations d’anesthésie et dès l’arrivée aux urgences. Il s’agit pour nous d’une source sécuritaire qui permet de valider le déclaratif et de récupérer le cas échéant les informations omises par les patients (on estime qu’il y a 17 % d’omissions) lors du colloque singulier, ainsi que les erreurs et oublis de dosage. Le DP nous permet aussi de détecter des erreurs d’automation (par exemple les copier/coller d’ordonnance présentant des anciens traitements n’étant plus du tout d’actualité depuis des semaines voire des mois). Il nous fait gagner du temps pour le recueil des traitements dans le dossier patient informatisé, la consultation des automédications, et nous sécurise.

Dr Trinh-Duc : Le DP rassure les patients, complète notre pratique et la rend plus opérante. Aujourd’hui, c’est toute la communauté scientifique de la médecine d’urgence qui soutient sa généralisation. Et il nous fait toucher du doigt l’intérêt dans notre pratique d’une collaboration avec les pharmaciens.

 

2. Qu’est-ce qui vous a motivé à participer à l’expérimentation ?

Dr Morvan : Je fais partie des praticiens qui veulent mutualiser l’information. J’avais d’ailleurs déjà créé un mini dossier médical partagé au sein de l’établissement en 2004. C’est donc tout naturellement que j’ai demandé à participer à cette expérimentation.

Dr Trinh-Duc : Pour ma part, je fais partie de l’Association pédagogique nationale pour l'enseignement de la thérapeutique (APNET), et j’ai déjà travaillé sur la pathologie iatrogène. Ainsi sensibilisé au médicament, j’ai tout de suite encouragé ma direction à participer, vu les informations lacunaires ou illisibles sur les traitements dont nous disposons très souvent aux urgences.

 

3. Dr Trinh-Duc, vous venez de réaliser une étude sur l’impact de l’accès au DP dans un service d’urgence. Quel est-il ?

Dr Trinh-Duc : Le premier enseignement est que huit personnes sur dix ont leur carte Vitale à toute heure, ce qui lève la principale objection à l’utilisation du DP. Autre surprise : le DP est bien alimenté (chez 41 % des porteurs de carte) et l’est d’autant plus que la personne est âgée. C’est fondamental, la iatrogènie représentant 15 à 20 % des arrivées aux urgences ! Avoir un dossier vide est d’ailleurs une information en soi, le taux de refus d’alimenter son DP étant quasi nul. Avec le DP, l’information médicamenteuse est multipliée par trois ou quatre.

 

4. Pouvez-vous nous raconter une situation à laquelle vous avez été confrontés et qui montre l’intérêt d’avoir accès au DP à l’hôpital ?

Dr Morvan : J’évoquerais cette patiente de 70 ans venue en consultation préanesthésie pour une fibroscopie bronchique, quasiment en état de mal asthmatique. Grâce au DP, nous avons pu détecter une iatrogénie entre ses gouttes oculaires et sa pathologie obstructive chronique respiratoire. En fait, elle n’avait pas besoin de « fibro »... mais d’une prise en compte croisée de ces pathologies ainsi qu’une réévaluation et une modification de ces thérapeutiques. Autre exemple avec une dame qui venait pour une prothèse de hanche. La présence d’acide fusidique dans le DP nous a permis d’identifier un antécédent d’ érysipèle  quatre mois avant avec persistance d’un point d’entrée homolatérale à la prothèse, nécessitant encore un traitement à l’acide fusidique. Nous avons repoussé l’intervention pour éviter tout risque d’infection et d’opérations multiples à la clé...

Dr Trinh-Duc : Le cas typique concerne les anticoagulants, avec la réponse type du patient : « Je prends un médicament qui fluidifie le sang. »  Est-ce un AVK, de l’aspirine, un veinotonique ? Sans cette information, la prise en charge est retardée. Deuxième cas classique : l’antibiotique, dont le patient ne se souvient plus. Or il y va d’éventuelles décompensations de problèmes septiques ! Les exemples sont quotidiens. Je ne donne pas de cas précis tellement il y en a...

 

5. Si vous aviez un message à faire passer à vos confrères concernant l’utilisation du DP à l’hôpital, quel serait-il ?

Dr Morvan : Le DP est un outil de coordination ville/hôpital et pourrait devenir un outil hôpital/ville, car l’hôpital est un milieu très exposé au risque iatrogène. Il devrait être généralisé non seulement à tous les praticiens hospitaliers mais aussi à tous les médecins !

Dr Trinh-Duc : L’un des freins à l’utilisation du DP pour les confrères était son manque de stabilité via Internet. Or ceci a très vite été corrigé par sa possibilité d’installation via un logiciel. Par ailleurs, nous devrions tous avoir en tête le réflexe iatrogène, la juste prescription et une réflexion sur la conciliation médicamenteuse. Dans ces trois cas de figure, la DP nous facilite la vie.

* Publication prévue en 2016.

** Publication à venir dans la revue de l’Académie nationale de pharmacie.

 

En savoir plus

• DP et médecins hospitaliers (site de l'Ordre)

• Le DP : expérimentation de la consultation par les médecins hospitaliers (site du ministère de la Santé)  

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