Message de la Présidente du CNOP, et réponse de l'Ordre au ministère de l’Economie, du redressement productif et du numérique

Réponse de l'Ordre à l'IGF

Le 31 juillet 2014, le ministère de l’Economie, du redressement productif et du numérique a transmis à l’Ordre national des pharmaciens l’annexe du rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) sur les professions réglementées relative à la profession de pharmacien titulaire d’officine. A cette occasion, il demandait à l’Ordre de lui adresser ses remarques et commentaires pour le 22 août 2014. La conclusion centrale du rapport de l'IGF est fausse, et le rapport est entaché d'erreurs. Dans un souci de transparence, l’Ordre rend publique sa réponse. Message de la Présidente...

 

La mission de l’Ordre des pharmaciens est de concourir au bon exercice de la profession de pharmacien en France. Et de le faire au service des Français. Chaque jour, 4 millions de Français se rendent dans l’une des 22.000 officines du pays. Pharmacies des villes, pharmacies des champs ; pharmacie des cités et des campagnes françaises. Les pharmaciens vivent au pouls du pays. 

A ces 4 millions de Français qui viennent chaque jour pour être servis, conseillés, rassurés, épaulés, le ministre de l’Economie a souhaité dire : « les pharmaciens se font de l’argent sur votre dos ». 400 millions d’euros pourraient être rendus aux Français affirme-t-il.

La profession de pharmacien est aimée des Français. Selon le rapport, 93% des Français estiment qu’ils rendent un service de qualité*. Elle est donc respectée pour ce qu’elle fait dans un pays où l'expression de "désert sanitaire" ne doit pas devenir une réalité. Etre pharmacien, c’est une vocation. Et aucun n’apprécie de se faire traiter de malhonnête. La profession de pharmacien se réforme chaque année, à travers des lois, des règlements, et à coup sûr chaque année à travers le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). C’est une profession qui va encore évoluer avec le projet de loi de Stratégie de Santé, discuté au parlement cet automne. Une profession pleinement intégrée dans le système de soins français, dont elle est une pièce qui se veut humble, mais dont le rapport avec les Français en fait un acteur central. Dire qu’elle est une profession qui n’est pas de son temps, une profession immobile, cela n’a pas de sens.

En tant que Présidente du Conseil national de l’Ordre, je me dois de veiller à ce que chaque pharmacien qui contreviendrait aux règles et aux valeurs de sa profession soit sanctionné et par ailleurs je dois assurer la défense de l’honneur de la profession. Je me dois donc de réagir pour rétablir les faits quand ils entachent la réputation de la profession, entamant par là même la confiance du public.

C’est dans cet esprit d’honneur que l’Ordre publie aujourd’hui cette réaction au fameux rapport IGF, dans lequel l’exécutif a tellement confiance qu’il a catégoriquement refusé de le publier depuis plus d’un an qu’il est prêt. Et encore cet été, à ma demande expresse : les Français doivent savoir que le rapport sur la base duquel on critique les pharmaciens est un rapport que le gouvernement préfère tenir caché.

Les conclusions que nous tirons de cet exercice de fact-checking  de l’annexe sectorielle sur la profession de pharmacien titulaire d’officine de l’IGF sont claires, et nous avons mis en ligne toutes les données sur le site www.data.gouv.fr  pour que tous ceux qui le désirent puissent calculer l’évolution des prix des médicaments sur différentes périodes et différentes listes de médicaments.

Open-data, oui, car contrairement à l’IGF ou au gouvernement, nous nous situons dans la transparence, dans une culture du débat et de l’analyse objective. C’est pourquoi j’ai aussi décidé, en tant que premier responsable de l’éthique professionnelle, de rendre accessible à tous notre réaction à l’IGF ainsi que l’analyse sectorielle de l’IGF, qui m’a été personnellement remise fin juillet 2014.

Sur le fond, et dans la mesure où le projet de loi qui se prépare a pour but de « redonner du pouvoir d’achat aux Français », l’accusation portée par l’IGF selon laquelle les prix des médicaments non remboursables auraient connu une hausse ces dernières années est le point central de l’argumentation du gouvernement.

Or aujourd’hui, contrairement à ce que prétend l’IGF et à sa suite le ministre sur la base d’une étude fantôme, nous fournissons la preuve que le prix de ces médicaments a baissé en euros constants depuis 2009 en France.

On accuse les pharmaciens de retenir du pouvoir d’achat aux Français : nous prouvons que cela est faux. Les progrès réalisés dans les achats groupés ont permis au contraire de baisser les prix. Ajoutons que la possibilité récente de comparer les prix des médicaments sur Internet améliore encore l’information des Français.

Dans ces conditions la justification des pistes de réformes envisagées par le gouvernement tombe purement et simplement : le pouvoir d’achat pharmaceutique à rendre aux Français n’est pas démontré. Nous pourrions donc arrêter là notre réponse. Mais nous avons décidé d’aller plus loin, car non content de publier sur la pharmacie d’officine un diagnostic truffé d’erreurs, l’IGF, sur la base d’un diagnostic faux, s’autorise à faire des recommandations sur l’organisation de la chaîne pharmaceutique. Ces pistes, nous voudrions le prouver, les Français ne s’y retrouvent pas : elles sont dangereuses pour le système de soins.

L’idée, par exemple, de généraliser la vente de médicaments à prescription médicale facultative (PMF) en supermarché ? Un récent sondage publié dans Les Echos courant août montre que les Français sont majoritairement contre. Ils savent que le médicament n’est pas un produit comme les autres.

Comme le rappelait la presse en décembre dernier, on déplore 300 morts par an par overdose médicamenteuse de médicaments non prescrits en Grande Bretagne, où les médicaments sont vendus en grande surface ou dans des chaînes. Un tiers des 18-24 ans britanniques admettent une forme de dépendance et prennent tous les jours des médicaments en vente libre à tel point que les médias ont pris l’habitude de parler de la « génération painkiller ». Est-ce cela que nous souhaitons pour la France ? Pour conduire il faut un permis, et respecter des règles, et en dépit de ces précautions 4 000 personnes décèdent chaque année sur les routes. L’usage inapproprié des médicaments provoque 12 000 décès et 120 000 hospitalisations par an dans le pays.

Ces chiffres sont déjà énormes. Ils ne feraient qu’empirer si on  autorisait la vente des médicaments dans le temple du commerce. Que chacun ait ces chiffres à l’esprit avant de libéraliser la vente des médicaments, que chacun prenne ses responsabilités à l’égard de ces chiffres de mortalité. Le médicament n’est pas un produit comme les autres.

L’IGF émet également le projet de libéraliser le capital des pharmacies dans le but de créer des chaînes de pharmacies, un peu comme il existe des chaînes de distribution. Les Français n’en  veulent pas, car ils savent que les chaînes n’iront s’installer que dans les espaces les plus rentables. On peut s’étonner par ailleurs qu’un ministre toujours aussi soucieux du « produire français » nourrisse comme projet de livrer les 22 000 pharmacies libérales françaises aux appétits de mastodontes étrangers.

Au total, la logique purement financière qui préside à ce rapport fait courir des dangers à la population.

La pharmacie française est efficace, elle est, d’après les comparaisons internationales et européennes, performante du point de vue des prix et du service rendu aux Français sur l’ensemble du territoire de manière équitable. La France a mis au point depuis des siècles et des décennies un système fonctionnel, évolutif, doté d’une bonne capacité de réponse aux défis de notre temps. Ces jours-ci, alors que nous publions ce document, commence dans 200 pharmacies une expérimentation pour délivrer les antibiotiques à l’unité, et  non plus à la boîte.

Ceux qui briseront une construction patiemment mise au point, adaptée aux réalités du pays, joueront aux apprentis-sorciers. La pharmacie française défendra coûte que coûte les intérêts des Français.

 

Isabelle ADENOT, Président du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens

 

 

* cf. sondage Oipnion Way présenté en page 20 du corps du rapport IGF

 

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54%* des Français sont opposés à la vente hors pharmacie, en grande surface par exemple, de médicaments, fussent-ils non remboursables ou à prescription facultative.

 

*Selon une étude CSA pour Les échos (8/08/14)

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• Lundi 24 novembre 2014, à Paris

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