Médicaments de médication officinale : non à l’ouverture du monopole officinal !
Sur la proposition d’ouvrir le monopole officinal, permettant ainsi à des parapharmacies et des grandes et moyennes surfaces de vendre des produits de santé dont la dispensation est aujourd’hui réservée aux officines, notamment les médicaments de médication officinale, l’ONP indique qu’il y est opposé, pour des raisons objectives.
13 États membres sur 28 ont ainsi fait le choix de ne pas libéraliser la vente de médicaments d’automédication. Pour rappel, au regard des risques pour la santé publique, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) considère que les États membres peuvent réserver la vente de médicaments au détail aux seuls pharmaciens d'officine.
Les produits concernés
Les produits relevant du monopole pharmaceutique ne sont pas anodins quant à leurs effets, aux contre-indications ou aux surdosages, et doivent donc présenter le maximum de qualité et de sécurité. Leur distribution exclusive en pharmacie est, à cet égard, justifiée par des considérations de santé publique évidentes.
Seuls les pharmaciens d’officine ont la formation et l’expérience requises pour délivrer des conseils pertinents et adaptés au patient. Leur intervention en matière d’approvisionnement, de traçabilité ou encore de retrait de lots permet également de sécuriser pleinement la distribution de ces produits.
De plus, seule l’officine est assujettie à des règles strictes offrant un cadre adapté à la sécurité du patient et à la qualité de l’acte, faisant ainsi obstacle par exemple au développement de produits falsifiés.
Chaque grande catégorie de produits concernés (médicaments, plantes médicinales, dispositifs médicaux de diagnostic in vitro destinés à être utilisés par le public, produits d'entretien des lentilles oculaires, générateurs, trousses et précurseurs, aliments lactés diététiques pour nourrissons…) fait l’objet d’un développement spécifique dans la contribution de l’ONP.
Les fondements du monopole officinal
Le monopole pharmaceutique est basé sur la protection de la santé publique. Il constitue une responsabilité fondée sur des compétences et sur l’indépendance du pharmacien ainsi que sur des devoirs professionnels.
L’Autorité aborde la question du monopole par le seul prisme de la vente au détail des médicaments, ce qui apparaît assez réducteur au regard d’autres considérations, comme, par exemple, les conditions de vente et de délivrance.
Ainsi, il est primordial que l’indépendance du pharmacien soit garantie et que l’objectif à poursuivre soit la réduction de la consommation des médicaments et leur bon usage, et enfin que l’égal accès aux médicaments en tous lieux soit maintenu.
L’indépendance du pharmacien
Les États membres disposent d’une large marge d’appréciation pour définir le niveau de protection de santé publique qu’ils souhaitent garantir à leur population.
Afin d’atteindre un niveau élevé de protection de la santé, l’État français a adopté une législation en adéquation avec cet objectif. Il a choisi de garantir l’indépendance du professionnel de santé. La CJUE a ainsi reconnu qu’aucun autre dispositif ne permettait d’obtenir le même niveau de protection de la santé publique. Le conseil, l’orientation éventuelle, l’analyse de la prescription se fera en toute objectivité et en toute indépendance, seul l’intérêt du patient devant guider le pharmacien.
La seule formation et le seul diplôme de docteur en pharmacie ne suffisent pas car la structure dans laquelle intervient le professionnel de santé est tout aussi essentielle, la dispensation du médicament devant s’effectuer au sein d’une structure qui garantit l’indépendance du professionnel de santé, préservé de toute considération financière ou économique.
D’une part, si ce pharmacien exerçait au sein d’une structure non soumise au code de la santé publique (CSP), les autorités publiques ne pourraient pas, par exemple, imposer des bonnes pratiques de dispensation, des contrôles de qualité, une traçabilité… D’autre part, le pharmacien ne peut agir pleinement que s’il dispose d’une complète indépendance. En pratique, celle-ci permet d’assurer au pharmacien une autonomie nécessaire quant à l’organisation pharmaceutique, tant en matière d’approvisionnement que de dispensation.
Or, un pharmacien salarié d’une structure non pharmaceutique, telle une grande ou moyenne surface (GMS), pourrait difficilement s’opposer aux instructions données par son employeur, motivées par des considérations étrangères à la santé publique. Cette crainte, émise par la CJUE en 2009, se voit aujourd’hui confirmée au Royaume-Uni.
La surconsommation et le mésusage
L’ouverture du monopole pharmaceutique risque d’entraîner une surconsommation de médicaments. À cet égard, l'Agence danoise du médicament a constaté que la vente de certains médicaments de prescription médicale facultative en dehors des pharmacies avait abouti à une hausse de leur consommation.
En outre, comme le souligne l’Autorité, les médicaments pris en automédication peuvent avoir des effets néfastes pour la santé. Ainsi, la libéralisation de la vente d’antalgiques présente des risques avérés pour la santé publique (par exemple, des surdosages de paracétamol peuvent entraîner des insuffisances hépatiques et des décès). De nombreuses études démontrent les risques que présente l’automédication.
Enfin, l’ouverture du monopole via des docteurs en pharmacie de GMS ne leur permettrait de vérifier les interactions médicamenteuses, alors que le Dossier Pharmaceutique (DP), présent dans toutes les officines, sécurise la dispensation des médicaments en évitant les risques d’interaction et les traitements redondants.
Le DP contient aussi des données à caractère personnel, qui ne sauraient être accessibles à des acteurs qui utilisent les données d’achat pour « profiler » leurs clients afin de leur proposer d’autres produits ! Les pharmaciens d’officine sont soumis au secret professionnel et ne peuvent avoir recours à ces pratiques.
Des conséquences sur le maillage territorial
La France a fait le choix d’un accès de proximité aux médicaments, estimant que cette organisation contribue à la qualité des soins. Par « surface » (la France est le pays le plus vaste en superficie de l’Union européenne), la France a moins de pharmacies pour 100km2 que ses voisins : plus de 3 pharmacies pour 100km2, tandis que dans d’autres pays européens comme l’Allemagne, l’Italie, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, c’est plus de 5 ; en Belgique plus de 15 !
Si certaines évolutions textuelles sont encore nécessaires, d'autres sont déjà en cours et se poursuivront dans les années à venir. Il n’y a pas aujourd’hui de désert pharmaceutique. Les quotas démo-géographiques garantissent une desserte adaptée de la population en médicaments.
À cet égard, la CJUE, dans un arrêt du 1er juin 2010, indique : « Dans ces conditions, il ne saurait être exclu que, en l’absence de toute régulation, les pharmaciens se concentrent dans les localités jugées attractives, de sorte que certaines autres localités moins attractives souffriraient d’un nombre insuffisant de pharmaciens susceptibles d’assurer un service pharmaceutique sûr et de qualité. »
L’Autorité de la concurrence admet que la libéralisation du monopole officinal entraînerait une perte de revenus. Fragiliser ainsi le circuit pharmaceutique pourrait conduire à remettre en question l’édifice pharmaceutique dans sa globalité et l’accès de la population aux médicaments sur le territoire. Il suffit de constater ce qui s’est passé pour d’autres secteurs (en 36 ans, le nombre de stations-service françaises a été divisé par quatre, passant de 47 500 unités en 1975 à 12 000 en 2011).
Enfin, il est surprenant que l’Autorité de la concurrence estime qu’il serait bénéfique de créer des points de vente supplémentaires alors que les travaux de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) indiquent qu’il est plutôt recherché actuellement une diminution du nombre d’officines !