Aux États-Unis, les pharmaciens ont été progressivement autorisés à vacciner, chacun des 52 États fédérés ayant tour-à-tour fait évoluer sa législation entre 1994 et 2009. Au Portugal, les pharmaciens peuvent vacciner depuis 2007. En Australie, chacune des 9 juridictions a autorisé l’administration de vaccins par les pharmaciens, entre 2013 et 2016.

 

Pour parler de ces pratiques de la vaccination à l’officine : Thomas E. Menighan, CEO de l'American Pharmacists Association ; Duarte Santos, membre du bureau de l'Association des Pharmacies Portugaises et Paul Sinclair, conseiller national de la Pharmacy Guild of Australia.

 

1. Dans votre pays, les pharmaciens sont autorisés à administrer des vaccins. Selon quelles modalités?

 Thomas E. Menighan – Aux États-Unis, les pharmaciens collaborent, se coordonnent et communiquent avec l’ensemble des parties prenantes de la vaccination pour répondre aux besoins de leurs patients, et protéger la population des maladies dont il est possible de se prémunir par des vaccins. Forts de leur accessibilité et bénéficiant de formations sur les vaccins tout au long de leur carrière, les pharmaciens jouent le rôle d’éducateur, de facilitateur, et administrent des vaccins. La législation autorisant les pharmaciens à administrer des vaccins relève des États fédérés, la portée des prérogatives des pharmaciens étant variable en fonction de l'antigène et de l'âge du patient. Les vaccins administrés par les pharmaciens sont enregistrés dans les systèmes informatiques d'immunisation, dans les dossiers électroniques de santé du patient et/ou sur la documentation fournie au patient. Les pharmaciens vaccinent selon des modalités différentes, sans rendez-vous, sur rendez-vous ou selon un calendrier saisonnier.

 Duarte Santos  – Depuis novembre 2007, les pharmacies portugaises peuvent fournir une large gamme de services pharmaceutiques, y compris l’administration de vaccins qui ne sont pas inclus dans le plan national de vaccination. En 2008, l’Association des Pharmacies Portugaises a ainsi créé un modèle d’intervention, de formation et des recommandations pour soutenir les pharmacies dans la mise en œuvre de ce nouveau service. À l’officine, les vaccins doivent être administrés par des professionnels légalement qualifiés, qui doivent disposer des installations, matériaux et équipement requis pour assurer la qualité et la sécurité du service. L'administration de vaccins dans les pharmacies portugaises répond à des critères exigeants. Par conséquent, les pharmaciens doivent suivre une formation spécifique pour obtenir une certification initiale, complétée d’une recertification périodique (5 en 5 ans) de leurs compétences par l’Ordre des pharmaciens.

 Paul Sinclair  – En Australie, chaque État ou territoire a adopté une loi autorisant les pharmaciens à délivrer des vaccins et à vacciner la population contre la grippe. Aucune prescription n'est nécessaire, mais la réglementation exige l'enregistrement des informations concernées. Les pharmaciens vérifient que le patient peut bénéficier du vaccin et l'administration doit se dérouler dans une salle privée et fermée, telle qu'une salle de consultation. Les pharmaciens doivent avoir suivi une formation agréée à la vaccination, aux premiers secours et à la RCP.

 

2. Selon votre expérience, quelle est la valeur ajoutée de l'administration des vaccins par les pharmaciens en termes de santé publique et pour la population ?

Thomas E. Menighan – Les autorités américaines estimaient que le taux de vaccination des différentes populations n'avait pas atteint un niveau optimal. Dans ce contexte, les pharmaciens représentent des points d'accès et d'éducation supplémentaires visant à augmenter les taux de couverture vaccinale. Les pharmaciens ont commencé leurs activités d'immunisation en se concentrant sur le vaccin contre la grippe. Dans une optique d’amélioration de la santé publique, la philosophie adoptée par bon nombre d’acteurs de la vaccination aux États-Unis et ailleurs est « Peu importe où les patients se font vacciner, du moment qu'ils se font vacciner et que ceci figure dans le registre de vaccination auquel tous les membres de l'équipe ont accès ». Selon les Centers for Disease Control and Prevention, 25 % des vaccins contre la grippe sont administrés par des pharmaciens. En outre, environ 50 % des vaccins contre le zona ont été administrés par des pharmaciens. Ils jouent également un rôle fondamental lors des pandémies de grippe, des épidémies de DTCOQ, de méningocoque et autres crises de santé publique. Ainsi, l'implication active des pharmaciens a permis d'augmenter de façon considérable la prise de conscience du public et les connaissances relatives à l'importance de la vaccination. 

 Duarte Santos  – Les avantages de la vaccination dans les pharmacies sont la rapidité, l'accessibilité, la proximité, la disponibilité, la sécurité et la qualité. La possibilité de se faire vacciner  dans plus de 2 260 points du pays, sans avoir besoin de prendre rendez-vous et d’attendre a conquis de nombreux Portugais. Pour cette raison, il devrait y avoir une meilleure utilisation de l'intervention des pharmacies au Portugal pour atteindre les niveaux de couverture vaccinale recommandés, en particulier dans le cas de la vaccination contre la grippe, améliorant ainsi la santé de la population. L’augmentation de la couverture vaccinale de la population est un objectif national de santé publique, et la pharmacie, c’est l'espace adéquat, avec des professionnels qualifiés et un accès facile que les Portugais apprécient chaque fois plus. Durant l’hiver 2014, les pharmacies portugaises ont distribué environ 600 000 vaccins contre la grippe, elles ont ainsi facilité l'accès à la vaccination à des milliers de Portugais. Le taux de vaccination dans les pharmacies (estimation du CEFAR) a été de 49,3 %.

 Paul Sinclair  – Une vaccination en pharmacie de proximité est très utile pour les patients qui, dans le cas contraire, seraient peu susceptibles de bénéficier d'un vaccin annuel contre la grippe. Cela permet également une amélioration très importante des taux de vaccination dans la population, renforce l'immunité de la population et consolide les résultats des politiques de santé publique.

 

3. Comment les pharmaciens ont-ils réagi ? 

Thomas E. Menighan – Environ 300 000 pharmaciens ont été formés à l'administration de vaccins via le programme de formation de l'American Pharmacists Association (certificat) sur les vaccinations en pharmacie. Ce programme, reconnu par les Centres de contrôle et de prévention des maladies des États-Unis (CDC) pour sa qualité et son contenu, est la référence absolue pour la profession. D'une durée de 20 heures, il traite des vaccins recommandés aux patients tout au long de leur vie. Les services de vaccination ont permis aux pharmaciens de démontrer la valeur qu'ils apportent aux soins des patients, aux professionnels de santé et à la santé des populations.

Duarte Santos  – Les pharmaciens ont exprimé un grand enthousiasme, car ils ont vu cette évolution comme une occasion d'innover, en offrant un nouveau service qui répond aux besoins de la population portugaise. Pour cette raison, les pharmacies ont investi dans la formation et la certification de leurs pharmaciens, conformément aux exigences techniques et légales en ce qui concerne l'espace physique (bureau), le matériel et l'équipement nécessaires pour assurer la qualité et la sécurité du service. La preuve de cet enthousiasme est la participation de plus de 2 260 pharmacies sur 2 935 (soit 77 % des pharmacies) à la campagne de vaccination contre la grippe et l’habilitation de plus de 3 061 pharmaciens sur 8 665 (soit plus de 26 %) à administrer les vaccins.

Paul Sinclair  – Les pharmaciens ont réagi très positivement à cette opportunité d'élargir la portée de leur pratique. De nombreuses pharmacies sont désormais dotées de salles de consultation qui leur permettent de proposer à leurs patients une large gamme de services de santé élémentaires, notamment des tests de dépistage, des contrôles du diabète et des services de gestion des maladies. Les réactions des patients à l'administration de vaccins contre la grippe au cours de la première saison (hiver 2016) ont été extrêmement positives.