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Lutte contre les médicaments falsifiés : parution des textes européens pour une application en 2019

Lutte contre les médicaments falsifiés : parution des textes européens pour une application en 2019

Le règlement délégué encadrant la future authentification des boîtes de médicaments a été publié au Journal officiel de l’Union européenne (JOUE), le 9 février dernier. La mise en œuvre de ce texte, applicable à compter de 2019, nécessitera une adaptation des procédures à chaque étape de la chaîne du médicament.

 

Les médicaments falsifiés, un fléau sans frontières

Il y avait urgence. Le nombre de médicaments contrefaits interceptés par les douanes de l’UE a été multiplié par six entre 2005 et 2013 pour atteindre 3,69 millions d’articles. En 2014, si les chiffres baissent (2,8 millions d’articles), les médicaments demeurent à la troisième place des produits contrefaits les plus saisis*. Des médicaments contrefaits entrent dans certaines chaînes de distribution même sur le territoire européen. Par exemple, en Allemagne, entre 2008 et 2013, 600 000 boîtes d’oméprazole falsifié ont pénétré le circuit légal du médicament pour un chiffre d’affaires frauduleux d’environ 15 millions d’euros**. Une situation dénoncée récemment dans le rapport Les médicaments falsifiés. Plus qu’un scandale, un crime ,  rédigé conjointement par l’Académie nationale de médecine, l’Académie nationale de pharmacie et l’Académie vétérinaire de France. 

 

L’authentification à la boîte, un dispositif doublement contraignant

C’est dans ce contexte qu’intervient la publication du règlement délégué qui contraint les industriels à identifier certaines boîtes de médicaments*** grâce à un code Datamatrix et à les doter d’un dispositif antieffraction.

La vérification des deux dispositifs de sécurité est nécessaire pour garantir l’authenticité d’un médicament dans un système de vérification de bout en bout de la chaîne d’approvisionnement. La vérification de l’intégrité du dispositif antieffraction permet de déterminer si l’emballage a été ouvert ou a subi une altération depuis qu’il a quitté les installations du fabricant, de manière à garantir l’authenticité du contenu de l’emballage.

La vérification de l’authenticité de l’identifiant unique vise à garantir que le médicament provient du fabricant légitime****. Soit pour vérifier l’identifiant, c’est-à-dire contrôler sa validité. Soit pour l’authentifier, c’est-à-dire contrôler sa validité puis le signaler dans la base comme dispensé. Le système permettra ainsi de détecter toute boîte étrangère au circuit légal. Les dispensateurs auront donc un rôle clé à jouer dans le processus d’authentification. Celle-ci se fera au plus proche du patient. Les grossistes ne devront vérifier l’identifiant unique qu’en cas de retour ou de livraison par un acteur autre que le fabricant, titulaire de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) ou dépositaire. Les officinaux pourront vérifier l’authenticité des identifiants uniques avant la dispensation et devront les désactiver au moment de la dispensation. Les hospitaliers, eux, devront aussi authentifier les médicaments mais ils pourront le faire en amont de la dispensation.

Ces dispositions viennent compléter celles de la directive Médicaments falsifiés (2011), déjà transposées en France par le décret relatif au renforcement de la sécurité de la chaîne d’approvisionnement des médicaments et à l’encadrement de la vente de médicaments sur Internet. Selon le règlement délégué, elles seront applicables en France en 2019.

 

Un système de distribution et d’information en avance

Ce dispositif peut paraître superflu dans un pays comme la France qui fait figure d’exception dans le tableau des victimes de la contrefaçon. À l’heure actuelle, aucun cas de médicament contrefait n’a été relevé dans les chaînes d’approvisionnement légales du pays. La France doit cela à l’existence d’un service de distribution performant dans lequel le médicament chemine de pharmacien en pharmacien en circuit protégé.

Cependant, le contexte de mondialisation des échanges impose de nouvelles normes. Les acteurs français disposent d’avantages sérieux pour parvenir à les intégrer dans leur pratique. « On ne mesure pas la chance que l’on a de disposer d’un système sécurisé comme le nôtre  », note Frédéric Bassi, président du conseil central de la section B (industrie) à l’Ordre national des pharmaciens. Un système qui utilise déjà une partie des outils nécessaires à la sécurisation des médicaments. Le Datamatrix est une norme acquise chez les industriels et le taux d’équipement en lecteurs est élevé.

De plus, le circuit de distribution est doté d’un outil électronique complémentaire performant, le Dossier Pharmaceutique (DP). Il permet de faire circuler l’information rapidement et serait un support privilégié pour être en conformité avec les textes européens. Reste à mettre en place des systèmes d’inviolabilité sur les boîtes – en France, cela concernera tous les médicaments et non pas seulement les boîtes à risque comme pour l’identifiant unique. Un gros investissement pour l’industrie puisque cette opération nécessite l’adaptation des lignes de fabrication. Mais « on ne peut pas tolérer la moindre inquiétude chez le patient,  commente Frédéric Bassi. Pour que la confiance perdure, il est nécessaire pour les industriels de pouvoir être certains que les produits en circulation qui portent leur marque sont bien ceux qu’ils ont fabriqués  ».

Enfin, l’Ordre accompagnera les pharmaciens en les informant pour la mise en œuvre du système.

 

* Commission européenne, Report on EU customs enforcement of intellectual property rights. Results at the EU border 2014, octobre 2015.

** Source : Carolin Bauer, « Omeprazol: 600.000 gefälschte Packungen », apotheke adhoc, 28 mars 2014.

*** Sont concernés les médicaments ou catégorie de médicaments soumis à prescription médicale obligatoire à moins qu’ils n’en soient exonérés en raison de leur présence sur la liste en annexe I du Règlement délégué 2016/161 de la Commission européenne. Les médicaments ou catégorie de médicaments non soumis à prescription obligatoire ne sont pas concernés sauf s’ils figurent en annexe II du Règlement délégué 2016/161 de la Commission européenne. Les États membres peuvent décider d’élargir le champ d’application des dispositifs de sécurité.

**** Règlement délégué (UE) 2016/161, (15), JOUE du 9 février 2016.

 

En savoir plus

• Règlement délégué (UE) 2016/161, JOUE  du 9 février 2016

• Décret n° 2012-1562 du 31 décembre 2012 relatif au renforcement de la sécurité de la chaîne d’approvisionnement des médicaments et à l’encadrement de la vente de médicaments sur internet

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